mardi 20 août 2013

LES INSECTES BIENTÔT AU MENU DES ANIMAUX D'ÉLEVAGE




PARIS (Reuters) - Les insectes sont une alternative crédible pour l'alimentation animale en Europe au moment où la course aux nouvelles protéines s'intensifie en raison des besoins alimentaires croissants et de la raréfaction des terres cultivables.

Facilement accessibles, digestes et nutritifs, les insectes nourrissent plus de deux milliards d'être humains en Afrique, Asie et Amérique, selon l'Organisation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, la FAO.


Leur consommation par les humains, qui n'a pas encore été autorisée par les institutions européennes, restera encore un temps loin des assiettes, même si elle est tolérée dans quelques restaurants d'avant-garde et si certains producteurs français se sont lancés dans leur production.

Les insectes pourraient se substituer dans l'alimentation animale notamment aux tourteaux de soja dont les prix fluctuent au gré des accidents climatiques et des évolutions monétaires.
Ils pourraient permettre de réduire la dépendance de l'UE, qui importe environ 70% des matières riches en protéines consommées par l'alimentation animale.

Le marché européen des aliments composés pour animaux est estimé à 45 milliards d'euros par an, selon la Fédération européenne des fabricants d'aliments composés (Fefac).

"Nous sommes dans la même situation que pour le pétrole, les ressources en général sont de plus en plus difficiles à trouver et de plus en plus coûteuses", explique Jean-Gabriel Levon, co-fondateur en 2011 de la start-up française Ynsect qui parie sur l'essor du secteur.

"Pour l'alimentation, c'est la même chose", dit-il, ajoutant que ces dix dernières années le prix du soja a été multiplié par deux, tandis que celui de la farine de poisson a triplé.

UNE "ENTORAFFINERIE"
La société met au point depuis deux ans une farine à base d'insectes. La part de cette dernière dans les aliments composés pour animaux d'élevage peut atteindre entre 5 et 30%.

"Il faut amener sur le marché des sources alternatives de protéines et les insectes sont une source intéressante qui peut être produite localement", estime-t-il.

La phase pilote du projet commence avec la levée de fonds pour la construction d'ici 2014-2015 d'une première unité de production en Europe, appelée "entoraffinerie", nom inspiré de la racine grecque entomos qui signifie insecte.

Moins de dix acteurs dans le monde travaillent sur ce type de bioraffineries.
A titre d'exemple l'entreprise sud-africaine AgriProtein Technologies élève des mouches domestiques et produit de la farine d'insectes pour le bétail. Elle a reçu le prix de l'innovation pour l'Afrique, mais son procédé n'est pas transposable en Europe pour des raisons réglementaires.

Stéphane Radet, directeur du Syndicat national de l'industrie de la nutrition animale (SNIA), reste prudent quant à l'avenir des protéines d'insectes, soulignant que cette dernière devra faire ses preuves auprès des fabricants.

La scandale de la vache folle de la fin des années 1990 a laissé des traces dans une industrie longtemps pointée du doigt.

"Pour qu'une matière entre dans la fabrication d'aliments, il faut qu'elle réponde à quatre enjeux majeurs: la sécurité, la qualité, la compétitivité et l'acceptabilité de l'industrie agroalimentaire, de l'industrie de la transformation, et au bout de la chaîne celle du consommateur", explique-t-il.

LE SCARABÉE ET LA MOUCHE

Ynsect vise pour l'instant le marché de l'alimentation des poissons, où la farine d'insectes pourrait se substituer aux farines et huiles de poissons, de plus en plus rares et chères avec la surexploitation mondiale des ressources maritimes.

Depuis le 1er juin, la Commission européenne autorise l'utilisation de nouvelles farines animales, dites "transformées" pour l'alimentation des poissons.

François-Marie Loubere, président du Syndicat professionnel des producteurs d'aliments aquacoles (SPPAA) se montre ouvert à cette nouvelle protéine tout en observant ne pas avoir pour l'instant de précision sur les prix et quantités disponibles.

"Nous sommes, bien entendu, concernés au premier chef par cette matière de substitution mais nos travaux d'investigation sont en cours", explique-t-il.

La jeune entreprise travaille en particulier avec le scarabée et la mouche, deux insectes européens qui seront élevés et transformés dans les futures usines de bioconversion.

"L'avantage avec les insectes, c'est qu'ils mangent tout ce qui tombe de la table", ajoute le dirigeant, en référence aux nombreux déchets susceptibles de nourrir les insectes.

Ynsect s'appuie sur un partenariat composé notamment de l'INRA et du CNRS, ainsi que d'industriels de l'agroalimentaire.

"MANGER DES INSECTES, C'EST RIGOLO"
Les coproduits issus du raffinage des insectes tels que les carapaces ont par ailleurs des applications en pharmacie, biomatériaux, cosmétique et traitement des eaux usées.

Les déjections des insectes peuvent aussi être valorisées comme fertilisant.
"Les insectes boivent très peu d'eau. Leurs déjections sont très sèches. C'est comme du sable, riche en tout ce qui fait un engrais classique", ajoute Jean-Gabriel Levon, soulignant la dimension environnementale du projet.

Mais pour les insectes ne se retrouveront pas demain dans les assiettes des Européens.
L'innocuité et les problèmes d'allergies doivent encore faire l'objet d'études et l'acceptation sociétale pourrait prendre du temps.

"Viser le marché de l'alimentation humaine, ce ne sera que dans un second temps. Manger des insectes, c'est rigolo, on peut être curieux mais pour nous, cela ne va pas plus loin pour l'instant", observe le dirigeant de la start-up.

Edité par Muriel Boselli et Yves Clarisse


Source : RMC

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